À l’automne 2023, le Parlement a adopté la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables. Le référendum ayant abouti, nous sommes appelés à voter sur ce texte le 9 juin 2024. Patrimoine suisse renonce à donner un mot d’ordre.
Pour Patrimoine suisse qui se concentre avant tout sur la protection des édifices et des sites construits de valeur, cette loi sur l’électricité ne revêt pas une importance capitale. Nous sommes préoccupés avant tout par la nouvelle teneur de l’art. 18a al. 1 LAT. Selon cette disposition, il sera possible à l’avenir d’installer des panneaux solaires non seulement sur les toits mais aussi sur les façades sans permis de construire, c’est-à-dire sans contrôle des autorités. Cette dispense était valable jusqu’à présent uniquement pour les toits mais son extension aux façades est un saut quantique. Comme pour les toits, cet article prévoit des restrictions dans le cas des monuments nationaux ou cantonaux ou des sites similaires. Il n’en demeure pas moins que les panneaux solaires en façade seront possibles sur plus de 90% des bâtiments. Beaucoup d’entre eux – situés par exemple en zone industrielle – se prêtent très bien à un tel usage mais il y a aussi de nombreux quartiers et localités dignes d’intérêt qui ne sont pas recensés à l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger (ISOS). Des façades noires y causeraient de très gros dommages.
Il ne sera pas facile d’expliquer aux propriétaires de maisons pourquoi l’élargissement d’une fenêtre nécessite un permis de construire alors que la façade à colombages d’une ferme peut être recouverte de panneaux solaires sans la moindre autorisation. À cause de telles incohérences, cette loi suscite le scepticisme parmi de nombreux professeurs de droit public dans les hautes écoles.
Notre coeur balance
L’auteur de ces lignes a discuté de ce projet avec de nombreux membres de Patrimoine suisse et a recueilli des opinions très différentes. En résumé, l’objet est rejeté en majorité par les personnes très liées à la culture du bâti alors qu’il est approuvé par celles qui s’intéressent davantage à la politique climatique. Ces deux positions sont fortement représentées dans notre association et la plupart d’entre nous ont le coeur qui balance, d’autant plus que Patrimoine suisse soutient expressément la promotion des énergies renouvelables. Pour cette raison, un rejet du projet de loi sur l’électricité était a priori exclu.
Face à ce dilemme, une grande majorité des représentants des sections et des milieux spécialisés dans notre association souhaitaient donner la priorité à la protection des bâtiments et des sites de valeur, même s’ils accordaient aussi une grande importance aux mesures en faveur du climat. À l’inverse, une minorité voulait placer le climat au premier rang. Après une discussion approfondie, la conférence des présidentes et des présidents a décidé de ne pas donner de mot d’ordre pour la votation sur la loi sur l’électricité (acte modificateur unique) du 9 juin 2024. Finalement, les deux positions ne pouvaient pas être conciliées. Notre association doit vivre avec de telles contradictions.
Martin Killias, président de Patrimoine suisse
Plus d’informations sur le thème patrimoine bâti, énergie et climat sous patrimoinesuisse.ch/environnement-et-developpement-durable