Marguerite Burnat-Provins (1872-1952) et La Doges


26 février 2024

L’artiste et écrivaine franco-suisse Marguerite Burnat-Provins a fondé en 1905 la « Ligue pour la Beauté » – futur Schweizer Heimatschutz, alias Patrimoine suisse – alors qu’elle demeurait à La Tour-de-Peilz. Ce sont deux excellentes raisons pour la section vaudoise de Patrimoine suisse, qui a son siège dans la même localité, d’honorer cette personnalité hors du commun. Son portrait est rédigé par Anne Murray-Robertson, directrice de la monographie Marguerite Burnat-Provins. Cœur sauvage (Infolio, 2019).

Née à Arras, dans les brumes du Pas-de-Calais, la jeune artiste a puisé dans l’effervescence parisienne fin-de-siècle la rigueur du dessin académique, l’ésotérisme de l’iconographie symboliste, la fraîcheur des déclinaisons florales de l’Art nouveau et le goût pour les arts décoratifs. Son mariage avec l’architecte veveysan Adolphe Burnat, lui aussi formé à Paris, la conduit sur les rives du Léman : le jeune couple s’installe en 1896 à Vevey, au no 20 de la rue d’Italie, dans l’hôtel particulier des Burnat, situé non loin du Grand Hôtel du Lac.

Fils d’Ernest Burnat, aquarelliste et architecte reconnu, Adolphe reprend le bureau paternel en partenariat avec les Nicati. On lui doit les villas Bellaria, l’immeuble Nestlé (actuel Alimentarium) ou encore l’Hôpital de la Providence. Membre de la Commission vaudoise des monuments historiques, il a aussi participé à la restauration des châteaux de Chillon, d’Hauteville et de L’Isle, des églises Saint-Martin et Sainte-Claire à Vevey. Sans doute, les engagements de son mari ouvrirent-ils Marguerite à la sauvegarde du patrimoine.

En 1901, le couple déménage à La Tour-de-Peilz, au no 21 de l’avenue Sully (actuel no 41), dans une petite maison baptisée « La Gayole » (la cage en patois artésien). Comme à Vevey, Marguerite Burnat-Provins organise des expositions dans son atelier. Le rez-de-chaussée sert de lieu d’exposition pour Ernest et Élisabeth Biéler. C’est en 1898, chez les Burnat, qu’elle a rencontré le peintre vaudois qui va lui faire découvrir la grande nature alpine, plus particulièrement Savièse, où elle séjournera tous les étés jusqu’en 1907. C’est à ses yeux la période la plus heureuse et la plus féconde de sa vie, comme en témoignent ses portraits de montagnards (certains seront présentés à l’Exposition universelle de 1900 à Paris), ses scènes de la vie rurale et son intérêt pour les arts appliqués.

Militante infatigable, Marguerite lance le 17 mars 1905 dans la Gazette de Lausanne un appel à la constitution d’une « Ligue pour la Beauté ». L’article, intitulé « Les Cancers », dénonce le développement industriel et touristique débridé que connaît alors la région lémanique, entraînant un enlaidissement du paysage, alpin en particulier. Ce texte polémique suscite de nombreuses réactions enthousiastes. L’initiative est soutenue par des personnalités politiques, artistiques et intellectuelles comme Gonzague de Reynold, Ernest Biéler, Émile Bonjour, Adrien Bovy, Daniel Baud-Bovy, Philippe Godet, Édouard Vallet ou encore Paul Ganz. Sa proposition de constituer une « Ligue pour la beauté. Conservation de la Suisse pittoresque » aboutit à la création du Schweizer Heimatschutz. Sensible à la démarche de la Veveysanne, le président de la Confédération, le Vaudois Marc-Émile Ruchet, s’empresse de constituer à Berne, le 1er juillet 1905, un comité central, dont Marguerite devient membre. Cette lutte fera des émules jusqu’à Paris, Londres, Amsterdam et même en Algérie.

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Marguerite Burnat-Provins à 32 ans devant « La Gayole » à La Tour-de-Peilz, 1904, tirage argentique, photographe inconnu. Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne